L’avenir des communications satellite s’illumine

Date de publication : 31 mai 2022

Depuis le début de la conquête spatiale, la communication entre les satellites et le sol constitue un enjeu majeur. Quand elle lance le premier satellite artificiel de la Terre, l’URSS inaugure déjà la transmission d’informations au sol sous la forme d’un signal radio. Facilement détectable par les radioamateurs, le « bip bip » le plus célèbre de l’histoire annonce alors au monde entier que l’URSS est la première nation à atteindre l’orbite.

Rapidement, l’échange d’informations avec et entre les satellites s’est imposé comme moyen essentiel de contrôler des objets en orbite et de rapatrier des données au sol. Mais ces dernières années, la convergence de différents facteurs – bouleversements technologiques, arrivée d’acteurs privés et nouvelles formes de création de valeur – a profondément refaçonné le marché du spatial, comme le souligne le premier article de blog de cette série. Avec un nombre croissant de satellites en orbite, et à une époque où la donnée est devenue reine, il n’a jamais été aussi important de pouvoir communiquer avec l’espace avec des débits élevés, de manière fiable et sécurisée.

Communications par satellite : des besoins sans précédent

Aujourd’hui, les satellites couvrent une multitude d’applications, de l’observation de la Terre à la météorologie, en passant par la télédiffusion et les télécommunications. Les besoins en données, aussi bien en termes de volumes que de résolution, augmentent sans cesse, faisant pression sur les infrastructures, qui doivent offrir la capacité et le débit nécessaires.

Une fois cet état des lieux établi, il est également important de considérer l’évolution des besoins en capacité, qui augmentent très rapidement. Les plans de développement de Starlink, la constellation de SpaceX, donnent une idée de ce que pourrait être l’écosystème spatial de demain.

Avec près de 2.000 satellites déjà en orbite, Starlink a obtenu l’autorisation de la Commission Fédérale des Communications des États-Unis (FCC) d’en lancer environ 12.000 nouveaux, et envisage d’en mettre en service près de 30.000 supplémentaires, portant ainsi à 42.000 le nombre de ses engins spatiaux qui graviteront à terme autour de notre planète.

À titre de comparaison, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) estime qu’environ 12.500 satellites ont été placés en orbite depuis 1957 et que 7.900 d’entre eux se trouvent toujours dans l’espace.

Esas Annual Space Environment Report 2021
Source: Rapport annuel sur l’environnement spatial (2021) de l’Agence spatiale européenne (ESA)

L’observation de la Terre a déjà prouvé son utilité dans de nombreux domaines : la météorologie, bien évidemment, mais également le suivi de l’utilisation des sols, la surveillance des ressources naturelles dans le secteur agricole, ou encore l’imagerie de zones sinistrées.

L’arrivée de constellations de satellites avec une résolution d’un mètre au sol répond à des attentes majeures en termes d’imagerie, à savoir une meilleure définition et des informations en temps réel.

Elle stimule ainsi le marché mondial de l’observation commerciale de la Terre, qui a enregistré une croissance annuelle de 5 % sur 5 ans (Euroconsult : « Earth Observation: Data and Service Market », octobre 2021). Le marché de la défense, privilégiant des résolutions encore plus élevées (inférieures à 50 cm), bénéficie lui aussi de cette impulsion.

Les futures constellations de satellites en orbite basse devraient également offrir la couverture Internet mondiale qu’attendent les zones isolées, toujours dépourvues de connexion au réseau terrestre.

De leur côté, les consommateurs exigent toujours plus de connectivité, notamment pour le streaming ou le téléchargement en haute définition, les réseaux sociaux ou encore les jeux ou les achats en ligne.

Enfin, de nouveaux besoins font leur apparition, comme la connectivité Internet en vol, aujourd’hui anecdotique en raison de son coût prohibitif, mais qui pourrait se généraliser dans les prochaines années.

Dans ce contexte, on prévoit une progression du marché de l’accès Internet haut débit par satellite à un rythme annuel de 21% (PwC : « Main Trends & Challenges in the Space Sector », décembre 2020).

L’accès internet par satellite pourrait prendre en charge une large part du trafic internet global, rendant plus essentielle que jamais la possibilité d’échanger des données entre l’espace et le sol en grande quantité, à grande vitesse et de manière fiable.

Accenture, Will satellites and 5G spark a new world of mining
Source : Accenture : « Will satellites and 5G spark a new world of mining? »
La technologie actuelle, la radiofréquence, atteint ses limites

Alors que les besoins en débit, déjà élevés, devraient encore augmenter au cours de la prochaine décennie, la technologie actuelle utilisée pour la transmission de données, la radiofréquence, semble atteindre ses limites.

En pratique, certains facteurs limitent déjà les performances de la radiofréquence. Tout d’abord, des ondes radio émises sur une même fréquence par des sources différentes peuvent interférer entre elles, ce qui dégrade la qualité de la transmission.

La première limite technique porte donc sur les bandes de fréquences, offrant chacune une bande passante limitée. De plus, les opérateurs de satellites doivent demander une autorisation pour exploiter une bande de fréquences, et les délais d’obtention de ces licences sont souvent très longs. Enfin, chaque utilisateur d’un satellite doit s’acquitter d’une redevance pour exploiter une bande donnée.

Il y a près de dix ans, en 2013, une enquête menée par le Satellite Interference Reduction Group (SIRG), aujourd’hui devenu le Satcoms Innovation Group, a montré que 93 % des 500 opérateurs de satellites interrogés subissaient des interférences au moins une fois par an.

Pour plus de la moitié d’entre eux, ces perturbations se produisaient au moins une fois par mois, et 17 % indiquaient même en pâtir en permanence dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Mais un autre facteur pourrait bien accélérer la saturation des bandes de radiofréquence : le déploiement massif de la 5G, qui occupera une part de la bande traditionnellement utilisée par les opérateurs de satellites ou l’industrie de la défense pour les communications spatiales.

Si certaines solutions apportent déjà des réponses à ces problèmes, notamment l’exploitation de nouvelles bandes de fréquences ou l’utilisation d’antennes à faisceaux orientables adaptées aux satellites en orbite basse, il apparaît d’ores et déjà que la nature même de la technologie de radiofréquence ne lui permettra pas de gérer l’explosion annoncée des besoins en communication de données spatiales.

Le rôle crucial des communications optiques dans les années à venir

Le secteur des communications spatiales connaît une transformation semblable à celle qui s’est opérée pour les réseaux terrestres il y a quelques années, lorsque de tous nouveaux procédés technologiques, comme les amplificateurs EDFA, avaient permis d’accroître les performances des communications optiques, signant le passage des réseaux cuivre aux réseaux fibre.

Les communications optiques offrent indiscutablement des débits sans commune mesure avec le cuivre, non seulement lorsque la lumière transite via une fibre optique, mais également lorsqu’elle est projetée en « espace libre » avec un laser.

Ces communications optiques en espace libre s’inscrivent résolument dans le thème que nous abordons aujourd’hui. Les communications entre l’espace et le sol à l’aide d’un laser lèvent toutes les limitations inhérentes aux bandes de fréquences. Elles offrent des débits supérieurs (de 10 à 100 Gbits/s, contre 1 Gbit/s au maximum avec la radiofréquence) et des connexions plus sûres, puisque les faisceaux laser sont plus directifs, moins interceptables et non brouillables.

Naturellement, les communications laser en espace libre ne bénéficient pas encore de la même maturité que la radiofréquence dans le secteur spatial. Cependant, même s’il est difficile d’estimer le délai de mise sur le marché des communications laser (comme c’est le cas pour toute technologie émergente), ces deux technologies sont vouées à coexister.

Aujourd’hui, tous les acteurs de l’industrie spatiale cherchent à se positionner sur le marché des communications laser, comme l’illustrent le projet « SpaceDataHighway » mené par l’ESA et Airbus Defence and Space ou encore le programme « Transport Layer » de la Space Development Agency (USA).

Mais le marché des communications laser n’est pas aussi mature que celui de la radiofréquence, et si certains projets ont démontré leur faisabilité par une preuve de concept, aucun n’est encore déployé dans un cadre industriel. Il ouvre néanmoins des opportunités intéressantes et procurera un avantage stratégique aux entreprises qui auront su identifier la future solution technologique optique et se positionner en conséquence.

Conclusion

Sous la convergence de différents facteurs, le marché spatial connaît une forte dynamique et une croissance soutenue. Alimentée par cette impulsion, la demande en services spatiaux stimule elle aussi la dynamique du secteur.

Les exigences toujours plus élevées, telles qu’une meilleure résolution pour l’observation de la terre, et les nouvelles attentes en matière de connectivité internet par satellite vont mettre à l’épreuve l’infrastructure actuelle, qui repose sur la radiofréquence.

Heureusement, les communications optiques en espace libre ouvrent des perspectives prometteuses et joueront à coup sûr un rôle majeur dans l’écosystème de demain.

Avec l’explosion des besoins en bande passante et les limitations de la radiofréquence, cette technologie va devenir incontournable et donnera un avantage stratégique majeur aux acteurs qui l’auront déployée.


Julien Pastille

Par Julien Bayol

Julien Bayol est ingénieur en mécanique INSA, et a suivi un Master en Management à la Toulouse Business School. Son domaine d’intérêt est porté sur les techniques de fabrication de pointe, via l’utilisation de solutions optiques innovantes. A Cailabs, Julien est assistant chef de produit, il contribue au développement et à la commercialisation des gammes produits CANUNDA et TILBA®.

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