Comment combiner de façon réaliste des faisceaux de manière incohérente avec une qualité optimale en sortie ?

Date de publication : 8 mars 2021

Dans Star Wars, George Lucas avait déjà imaginé la possibilité d’utiliser plusieurs lasers pour former un unique faisceau plus puissant en sortie que son étoile de la mortDécouvrez la méthode innovante proposée par Cailabs pour combiner des sources de manière incohérente... 

Dans un précédent article de blog, David Allioux nous a expliqué l’intérêt de combiner des sources lasers de façons incohérentes pour pouvoir s’affranchir de la limitation en puissance des lasers sans avoir à contrôler leurs phases respectives. On espère ainsi dans un futur proche chauffer rapidement la soupe de courge de David à une température satisfaisante mais surtout utiliser ces combineurs pour d’autres applications photoniques infrarouges diverses telles que les LiDARsla contremesure ou la spectrométrie

Malgré tout, des compromis sont nécessaires et il est impossible de combiner plusieurs lasers multimodes avec une bonne efficacité sans augmenter sa divergence i.e. la qualité de faisceau de sortie.  

Pour quantifier la performance des techniques de combinaison de lasers, on utilise généralement deux grandeurs : l’efficacité de combinaison, qui correspond à la fraction de puissance résultant de la combinaison, rapportée à la puissance totale additionnée des N sources combinées et le facteur de qualité d’un faisceau laser, noté M². Dans cet article, nous allons donc plus spécifiquement nous intéresser à ce dernier critère primordial.  

Le M² est un terme physique décrivant la différence entre l’angle de divergence d’un faisceau laser et le faisceau gaussien idéal. Plus la valeur est faible, meilleure sera la focalisation du laser. En d’autres termes, plus il sera proche de 1, plus le faisceau sera qualifié de « monomode » et proche de la gaussienne parfaite. 

1- Ce que propose Cailabs : Manipuler les modes de la lumière 

Pour commencer et au risque de décevoir les groupies de l’empereur Palpatine, la méthode utilisée n’est pas celle de l’étoile de la mort illustrée ci-dessous…  

Giphy
Tir laser depuis l’Etoile de la mort (Star Wars) 

En « combinant » ainsi huit faisceaux convergents, chaque faisceau de l’étoile se croiserait et continuerait à se propager dans sa propre direction. Il est donc impératif que tous les faisceaux d’entrées soient colinéaires et confondus en sortie… 

Pour combiner plusieurs sources de manière optimale, Cailabs propose une approche modale consistant à décomposer n’importe quelle forme de lumière sur une base de modes spatiaux arbitraires. Il existe plusieurs bases classiques, comme les modes de Hermite-Gauss ou de Laguerre-Gauss qui sont communément utilisés en optique. 

La lumière est une onde électromagnétique qui lorsqu’elle se propage dans un milieu homogène est soumise aux équations de Maxwell. Toute onde se propageant dans un milieu isotrope (milieu ayant les mêmes caractéristiques physiques dans toutes les directions) doit vérifier l’équation de propagation. Les modes spatiaux représentent les solutions de l’équation de propagation de la lumière.  

Ces modes gardent donc le même profil pendant la propagation. Ils peuvent se dilater ou fluctuer en présence de turbulences atmosphériques, mais dans l’ensemble, les modes sont préservés. Les modes spatiaux comme les modes Hermite-Gaussien ou Laguerre-Gaussien forment une base spatiale. Ils peuvent être utilisés de manière pratique pour décrire tout profil spatial d’un faisceau lumineux.  

Combinaison Incoherente
Figure 1 : Les 10 premiers modes de Laguerre-Gaussian  ( LGpl avec 𝑝 ∈ ℕ, 𝑙 ∈ ℤ)  LG0,0, LG0,−1, LG0,1, LG0,−2, LG0,2, LG1,0, LG0,−3, LG0,3, LG1,−1 et LG1,1
2- Quel serait le combineur idéal ? 

Dans le cadre d’un faisceau multimode composé de N modes LG (voir figure 2) de puissance égale et incohérent entre eux, on peut écrire le M² comme la moyenne des modes LG additionnés (1)

Image 46

Cette dernière équation va nous permettre numériquement de remonter aux caractéristiques d’un combineur optimal puisque l’on peut montrer que celle-ci est la superposition des modes de Laguerre-Gauss qui possèdent le plus faible M². 

L’expression du M2multimode donne le tableau suivant : 

Tableau Combinaison Incoherente Blog Tangi Fr
Figure 2 : Evolution du M² théorique et du M² cumulé en fonction du nombre de mode en entrée du combineur. 

Il est ainsi théoriquement possible de combiner 10 faisceaux monomodes incohérents de même puissance en un faisceau multimode ayant un M²=3. 

Le profil d’intensité de la somme des 10 modes LG est indiqué dans la figure suivante : 

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Figure 3 : Comparaison d’un faisceau gaussien monomode et de 10 modes LG combinés de manière incohérente avec la même taille de faisceau (simulations). 

La somme incohérente des modes LG permet donc d’augmenter la puissance avec une détérioration minimale du M². 

En convertissant chaque source en entrée dans un mode LG donné et en combinant (sommant) chaque entrée convertie, on réalise une combinaison avec un faisceau de sortie optimal. 

3- Par quel moyen réaliser cette combinaison optimale ? 

En d’autres termes, quel composant est capable de convertir chaque entrée en un mode spatial donné tout en garantissant des pertes maîtrisées afin d’obtenir une bonne efficacité de combinaison ? 

La force de la technologie MPLC (Multi-Plane Light Conversion) de Cailabs est sa capacité à pouvoir convertir, manipuler et décomposer tout faisceau sous forme de mode dans une base donnée. 

Le MPLC permet de transformer un nombre donné de lasers monomodes en le même nombre de modes de Laguerre-Gauss de plus faibles ordres. Le composant réalise ainsi la combinaison optimale de sources incohérentes et limite au mieux la divergence du faisceau combiné.  

Image 45
Figure 4 : Combinaison incohérente de 4 faisceaux laser à l’aide d’un MPLC 
4- C’est bien beau la théorie mais ça donne quoi dans la pratique ? 

L’outil trouvé, la théorie restait désormais à être validée expérimentalement. 

Giphy 1

C’est ce que Cailabs a entrepris en 2017 en obtenant des performances très proches des valeurs du M2theorique explicitées plus haut. 

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Figure 5 : M² vs le nombre de modes d’entrée LG de 1 à 10 (voir annexe) 
5- Perspectives 

Depuis 2017, Cailabs s’efforce d’améliorer encore ces résultats en s’attelant également à proposer des combineurs toujours plus puissants et efficaces.  

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Tout cela fait aujourd’hui du MPLC une technologie majeure et incontournable dans la perspective de proposer à très court terme, des sources combinées incohérentes avec une bonne qualité de faisceau de sortie.  

Les systèmes optroniques dans le MIR, comme par exemple les applications de contremesures sont aujourd’hui en recherche de sources fortes puissances autour de 4 à 5µm, la puissance des sources actuelles se trouvant limitée. Les combineurs incohérents Cailabs permettront ainsi de franchir ce gap…et de chauffer plus rapidement vos soupes… 

Sources : 

(1) Fast adaptive laser shaping based on multiple laser incoherent combining – L. Garcia, O. Pinel, P. Jian, N. Barré, L. Jaffrès, J.-F. Morizur, G. Labroille – SPIE Photonics West LASE, 10097-3 (2017) - Lire l’abstract 

Annexe : Norme ISO 11146-1:2004 : 

Le M² est calculé comme la moyenne des M²x et M²y mesurés sur les deux axes orthogonaux à l’axe de propagation. 


Tangi Pastille

Par Tangi Le Guennic

Ingénieur INSA spécialisé en science des matériaux et en optique, Tangi Le Guennic est chef de produits et projets à Cailabs. Il possède une solide expérience en R&D dans le développement de capteurs optiques pour les systèmes aéronautiques ainsi que dans la gestion de projets de vision industrielle. A Cailabs, Tangi travaille sur le développement et la commercialisation de solutions optiques innovantes pour les applications PROTEUS et Custom (défense, aéronautique, automobile, biomédical…).

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