Comment cailabs contribue à améliorer les communications avec des satellites ?

Date de publication : 25 mai 2020
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Les constellations de satellites permettent le déploiement de réseaux de communications hauts débits en espace libre en complément des réseaux fibrés. Comme ces derniers, les technologies optiques, sont les seules permettant de garantir les débits nécessaires. Dans cet article, nous montrons comment la technologie Cailabs permet d’améliorer les liens télécoms optiques avec satellites.

L’espace, un horizon pour les réseaux de communication

On le voit d’autant plus en cette période de crise sanitaire, les réseaux de télécommunications sont devenus centraux pour assurer l’ensemble des usages de notre société. Ils nous permettent d’échanger avec nos proches, de consulter des médecins, de travailler, d’entrer en contact avec des commerces, locaux ou grandes enseignes, de lire les nouvelles, de visiter des musées, d’écouter de la musique et de prévoir (ou non) nos déplacements pour les vacances. Tous les pans de notre société, de la santé, à la défense, de la culture à l‘alimentation, sont désormais numérisés et utilisent sur les réseaux télécoms.

Fort de ce constat, deux questions se posent. D’abord, comment garantir une connexion au réseau à tous alors que 50% des habitants de la planète n’y a toujours pas accès. Ensuite, comment assurer un système résilient, c’est-à-dire capable à surmonter des altérations de son environnement. Selon l’ADEME, une donnée numérique parcoure en moyenne 15 000 km, c’est-à-dire bien plus que les frontières nationales. Comment assurer un accès aux infrastructures réseaux en cas par exemple de catastrophe naturelle, de malveillance ou même de conflit. On a souvent tendance à dire qu’internet est globalement robuste, mais localement vulnérable.

Une des solutions pour répondre à ces deux enjeux et qui émerge grâce au New Space et à l’accès facilité à l’espace, est d’utiliser des constellations de satellites pour déployer des réseaux hauts débits, en complément des réseaux fibrés. Pour garantir des débits équivalents à la fibre optique, il est nécessaire d’utiliser, pour ces réseaux aussi, des technologies optiques. Nous avons travaillé avec le centre spatial Allemand, le DLR, pour montrer comment la technologie Cailabs permet d’améliorer ces réseaux de communication.

Une comparaison TILBA® vs Optique adaptative dans un lien représentatif GEO

Un laboratoire d’expertise internationale

Le DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt) est le centre de recherche spatial allemand. L’Institut de Navigation et de Communication du DLR travaille sur la conception de réseaux de communication et notamment sur les technologies de communication laser. En particulier, le groupe Technologies Optiques Avancées détient le record de débit pour des liaison optiques en espace libre et est parvenu à atteindre des transmissions allant jusqu’à 13,65 Tb/s dans le cas d’un feeders links (lien montant vers un satellite) représentatif d’un cas réel. Le DLR s’illustre ainsi comme un des experts de liaisons télécom optiques.

Utiliser des composants télécom standards : le défi des communications laser

Pour réaliser un lien à haut débit, il est indispensable d’utiliser des équipements télécoms standards comme des transceivers cohérents ou des amplificateurs qui sont disponibles essentiellement sur fibres optiques dites monomodes. Ces composants, qui bénéficient de la maturité technologique des réseaux fibrés, sont les seuls qui répondent aux besoins de performance en termes de vitesse, de bruit et de sensibilité tout en restant économiquement compétitifs.

Malheureusement, le phénomène de turbulence atmosphérique, en modifiant le profil du front d’onde lumineux, détériore le couplage dans la fibre optique. La conséquence est une dégradation du lien optique, c’est-à-dire une augmentation du nombre d’erreurs et d’interruption du lien. Pour réaliser des liaisons haut débit avec des satellites GEO ou LEO, il est donc nécessaire de disposer d’un système de compensation de la turbulence atmosphérique permettant de coupler efficacement l’onde incidente perturbée dans une fibre optique standards.

Bénéficiant d’une forte expertise dans les liens montants et plus généralement, dans les transmissions optiques en espace libre, les chercheurs du DLR s’intéressent aussi aux liaisons descendantes et aux dispositifs de compensation de la turbulence à la réception.

Dans l’article copublié entre le DLR et Cailabs, deux technologies sont comparées : d’un côté un système d’optique adaptative standard et de l’autre un TILBA®-ATMO de Cailabs, dans sa première version, sans recombinaison optique. La scintillation en sortie au niveau du récepteur est évaluée dans les deux cas afin de déterminer l’efficacité de compensation de la turbulence.

Deux technologies pour une même fonctionnalité

L’optique adaptative consiste à reformer le front d’onde à l’aide d’un miroir déformable. La Figure 1 représente un fonctionnement typique d’optique adaptative. Le signal incident est envoyé sur le miroir déformable qui corrige les déformations du front d’onde. Une fraction du signal corrigé est envoyée vers un analyseur de front d’onde permettant caractériser en temps réelle la qualité de ce dernier. Enfin, l’autre fraction de lumière est envoyée dans la fibre optique vers le récepteur télécom. Pour cette étude, un photodétecteur à grand champ est aussi utilisé pour mesurer l’intensité totale du front d’onde dans le plan focal.

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Figure 1 : Schéma de principe d’un système
d’optique adaptative standard.

L’approche TILBA®-ATMO est différente bien que sa fonction soit similaire. L’objectif n’est pas de compenser activement le front d’onde, mais plutôt de collecter l’ensemble de la lumière et de la transformer passivement en des modes utilisables. Une onde lumineuse peut en effet être décomposée sur une base de modes. Dans le cas présent, nous avons choisi des modes Hermite-Gauss. Le MPLC (Mutli-Plane Light Conversion), technologie au cœur de TILBA®-ATMO, permet alors de collecter ces différents modes de perturbation et de les démultiplexer dans autant de fibres monomodes. La dynamique de la turbulence existe toujours, mais se traduit par des variations de phase et d’intensité des modes qui eux sont figés. Après démultiplexage, ces variations se traduisent donc par des modifications de phase et d’intensité des signaux respectifs mais dans les fibres monomodes.

Cette approche passive permet de compenser le déphasage dans les fibres plutôt qu’avec des éléments mécaniques qui sont intrinsèquement limités en rapidité. Il est à noter enfin que l’optique adaptative utilise aussi des bases de modes de phase dans l’analyse de la turbulence, comme des polynômes de Zernike. Le MPLC travaille, lui, sur le champs complexe, c’est-à-dire à la fois la phase et l’amplitude

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Figure 2 : Comparaison entre le fonctionnement de l’OA et du MPLC. L’OA influe directement sur front d’onde en modifiant le trajet optique pour reformer un faisceau Gaussien. L’approche MPLC collecte passivement l’ensemble de la lumière sous forme de modes. Les modes sont transformés en gaussienne et envoyée dans des fibres monomodes.
Une expérience représentative d’un lien GEO descendant

L’expérience du DLR a eu lieu entre la station du DLR de Weilhem, faisant office de station sol, et un terminal, représentant le satellite, situé sur la station météo de Hohenpeißenberg. Les deux sites sont espacés de 10.45 km avec une inclinaison d’environ 1.8°. Ce site, déjà utilisée par le DLR pour plusieurs campagnes de tests, possède des caractéristiques de turbulence et de scintillation représentatif d’un lien GEO vers la terre, ce qui en fait un lieu particulièrement apprécié pour l’étude de systèmes de communication.

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Figure 3: Distance et élévation du lien entre les deux sites

Le banc expérimental, est représenté en Figure 4. Après collection par un télescope de 10 cm de diamètre d’ouverture, un miroir de tip/tilt permet de stabiliser le pointage du faisceau. Le signal est alors séparé en deux fractions égales. Une partie du signal est envoyées dans le MPLC tandis que l’autre est envoyée vers le bloc d’optique adaptative.

TILBA®-R :  Le MPLC comporte en entrée une fibre few-mode fabriquée par Prysmian de 25 µm de diamètre de cœur guidant 10 modes. Les modes de la fibre sont démultiplexés vers 10 fibres monomodes. Dans cette première version de TILBA, il n’y a pas de dispositif de recombinaison. Chaque fibre monomode est donc connectée à une photodiodes PIN à gain ajustable de chez Thorlabs. Le signal analogique obtenu sur chaque photodiode est sur-échantillonné puis sommé numériquement afin d’obtenir une unique sortie correspondant au signal compensé par le TILBA®.

Optique adaptative : En parallèle, l’optique adaptative comporte un miroir déformable de 97 actuateurs qui couple le faisceau directement dans une fibre monomode reliée à une photodiode. Une partie du signal est envoyée vers un analyseur de front d’onde de type Shack-Hartmann permettant de piloter le miroir déformable, mais aussi d’estimer le paramètre de Fried. Une caméra à large champ permet de mesurer l’intensité du signal dans le plan focal.

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Figure 4 : Banc expérimental de mesure de la compensation de la turbulence.
Des performances similaires à l’optique adaptative, voire supérieures pour les fortes turbulences.

L’optique adaptative et TILBA®-ATMO ont été comparées dans trois configurations de turbulences correspondant à trois types de scintillation dans le plan focale σ² : faibles pour σ² < 0.1, moyennes pour 0.1 < σ² < 0.3 et fortes pour 0.3 < σ². Dans chacun des cas, la scintillation dans le plan du récepteur après correction a été mesurée. Plus cette scintillation est faible, plus la correction est efficace et donc meilleures sont les performances.

Les résultats obtenus sont extrêmement enthousiasmants. Ils montrent que les performances sont équivalentes pour TILBA®-ATMO et le système l’optique adaptative dans le cas de faible et moyenne turbulence. Surtout, dans les cas de fortes turbulences, qui correspondent expérimentalement à la situation où le taux d’erreur et d’interruption du lien est maximum, TILBA®-ATMO obtient de meilleures performances que l’optique adaptative. La dynamique du capteur de front d’onde est en effet poussée à la limite tandis que TILBA-ATMO, étant un composant passif, n’est pas sujet à ce type de limitation.

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Faible turbulence
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Moyenne turbulence
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Forte turbulence

Figure 5: Comparaison de la scintillation dans les cas de faible (gauche), moyenne (milieu) et forte turbulence entre l’optique adaptative en jaune et TILBA®-ATMO en bleu dans le plan du récepteur. Plus la scintillation est faible, plus la correction est efficace. Les ronds rouges représentent la scintillation dans le plan focale qui peut se traduire par une correction parfaite. Les étoiles noires représentent le paramètre de Fried.

Et quelle suite pour TILBA®-ATMO ?

Les premiers tests réalisés par NEC à partir de 2016 étaient déjà extrêmement prometteurs. Cependant, si les chercheurs Japonais étudiaient un lien plus poussé sur le point de vu télécom, les expériences ont eu lieu en laboratoire avec une turbulence émulée. Les tests présentés ici, sont les premiers en conditions réelles avec des turbulences représentatives d’un lien GEO. Surtout cette expérience est la première qui compare en temps réel les performances d’une optique adaptative à celle d’un MPLC. Ces mesures montrent la puissance de l’approche TILBA-ATMO.

Plusieurs questions, inhérentes aux systèmes de tests, méritent bien sûr d’être approfondies. De prochaines campagnes étudieront par exemple l’impact du dispositif de recombinaison permettant une sortie unique sur fibre monomode, indispensable pour se comparer complètement à une OA. Plusieurs tailles de télescopes pourront aussi être envisagées, de même que différents nombres de modes pour le MPLC. Enfin, pour valider l’approche TILBA®-ATMO, Cailabs sera amené à tester ses composants sur des liens opérationnels avec des satellites.

Mais les résultats de cet article confortent déjà la pertinence d’une approche modale passive pour disposer d’un composant sur étagère de compensation de la turbulence atmosphérique.


Par David Allioux

David Allioux a obtenu son doctorat en physique à l’Université de Lyon. Il a rejoint Cailabs en 2018 en tant que Chef de projet et de produits. Il est responsable du développement et de l’intégration de solutions R&D en télécommunications. Il apporte également son expertise au développement et à la commercialisation de la gamme de produits dédiée aux communications laser.

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